L’exposition Les Larmes du Ciel est présentée au Palais Fesch – musée des Beaux-Arts d’Ajaccio du 29 juin au 30 septembre 2024.
Plus d’une cinquantaine de photographies de l’historien d’art et photographe Nicolas Joyeux seront exposées.
À travers quinze polyptyques réunissant cinquante-sept photographies, le photographe et historien de l’art Nicolas Joyeux propose de raconter la quête intérieure, le voyage, réalisés par l’âme blessée, depuis les souffrances que chacun endure jusqu’à la guérison.
Les larmes lavent le chagrin mais n’éteignent pas la flamme de l’âme forte et digne ; celle qui ne renonce pas et qui ne reproduit pas l’outrage sur l’Autre, préférant mettre fin au ruissellement des peines. Un des malheurs de l’humanité est le choix de la reproduction de ces peines : la blessure rendue à la blessure, la terrible loi du talion que le droit tente d’enrayer mais qui, bien souvent, est inscrite au burin sur les Tables du cœur.
Des deux oiseaux, – l’un blanc, l’autre noir –, qui traversent les quinze polyptyques, aux mystérieuses apparitions du papillon sur une mâchoire à Naples ou du reflet d’une flamme en Arménie, l’âme est partout suggérée, passant par les silences, par la colère, par l’absence ou par le désespoir, avant de renaître en pleine lumière.
Ces apparitions permettent d’entrapercevoir soudainement la présence des anges qui passent dans nos vies et qui se manifestent l’espace d’un instant consolateur que la photographie rend immortel.
Outrage et espoir. Noir et blanc. À travers l’histoire de la Passion du Christ, l’exposition raconte la souffrance de l’homme, les injustices et l’irréparable, lavées par les larmes. Les larmes de sang, les larmes de glace, les larmes de pluie, les larmes de sel, les larmes de lumière ; ces larmes, faites d’eau, qui viennent de l’autre bout de l’Univers.
Le Christ, figure outragée, est une figure de l’espoir. Naissant dans la souffrance et dans le sacrifice, le discours s’assombrit dans un silence de mort, frôlant le désespoir le plus total nourri de culpabilité pour, peu à peu, s’éclaircir vers la consolation, la Résurrection et le Paradis, invitant le spectateur à déambuler, à l’instar des églises gothiques, vers un message d’espoir, en pleine lumière.
Eau et lumière lavent l’outrage.
Le spectateur, à travers un récit convoquant son propre passé, la construction d’une société sur les préceptes chrétiens et résonnant avec de nombreuses références à l’histoire de l’art, est invité à dépasser le sens premier d’une image, à en développer le récit caché et en décoder les différentes grilles de lecture.
Chaque image possède son propre récit, mais c’est la somme des images qui renferme un message saisissant, racontant le très-bas de l’auteur à travers la Passion du Christ. Ainsi, année après année, juxtaposant les photographies, le photographe découvre avec stupeur que son travail est pétri d’iconographie chrétienne, racontant la quête des valeurs premières de l’Homme, soumis aux dures lois de la terre et de l’existence.
Se pose la question de la « part échappant » de l’image : ce qui est dit et non-dit. Dans le cadrage, dans l’instant suspendu, l’auteur raconte une part de ce qu’il a vu et de ce qu’il a vécu, au moment de la prise de vue, mais également en amont, depuis l’enfance. Il peut s’agir de la trace résonnante d’un manque, d’un raté, d’une meurtrissure, d’un outrage irréparable. Son message lui échappe à peine a-t-il déclenché puisque, tout d’abord, une part de ce qu’il a vu et souhaité raconter lui est inconnue ou demeure refoulée ; puis, parce que l’image, à peine saisie, fuit dans l’œil et dans l’imaginaire du spectateur, lequel ne peut déceler qu’un détail du message du photographe, ajoutant à ce dernier son interprétation basée sur sa propre histoire et ses propres références visuelles.
Silencieuses, ces images convoquent les sens. Comme le silence en musique ou la perte de parole dans la douleur, l’espace silencieux circulant dans l’image, telle la virgule dans la phrase d’une vie, possède son propre langage. Il est capable de stimuler l’imaginaire du spectateur par le rien, l’indicible, l’absence, « l’in-représenté ». Harmonieuse, la lumière est poésie. Toutes deux rassurent. Elles réécrivent le monde autrement, réinventent le réel afin qu’il soit plus acceptable pour l’homme. Elles dépassent le cadre des sens et sont capables de saisir « l’invisible pour le cœur ».