Le Palais Fesch-musée des Beaux-Arts de la Ville d’Ajaccio propose en 2024, du 13 juillet au 30 septembre, une exposition intitulée Bologne au siècle des Lumières. Art et science, entre réalité et théâtre.
Cette nouvelle exposition sur la peinture, la sculpture et les objets de curiosité, faite en collaboration avec la Pinacoteca Nazionale, les Musei Civici et la fondation de la Cassa di Risparmio de Bologne (CARISBO), s’inscrit dans le prolongement des précédentes expositions du musée d’Ajaccio portant sur l’art italien des XVIIe et XVIIIe siècles. Si le XVIIe siècle bolonais, celui des Carracci, de Reni et de Guercino, est bien connu en France, l’exposition permettra au public de découvrir une période moins familière de ce centre artistique.
Le XVIIIe siècle bolonais s’ouvre avec la fondation de l’Istituto delle Scienze et de l’Accademia Clementina, nés de la volonté du général Luigi Ferdinando Marsili, avec le soutien d’intellectuels inspirés des Lumières et l’approbation du Sénat. Les deux institutions bénéficient de la protection du pape Clément XI, le souverain qui a fait rentrer la ville dans le giron des États de l’Église.
Tandis que l’Istituto delle Scienze, réglé sur les dernières avancées scientifiques européennes, se propose de rendre son prestige à la cité, siège de la plus ancienne université, l’Accademia Clementina vise à retrouver les fastes du siècle d’or de la peinture célébré par la Felsina pittrice de Carlo Cesare Malvasia (1678) et lié aux noms des Carracci, de Reni et de Guercino. Le siècle naissant voit s’achever les carrières de peintres tels que le néo-carracesque Domenico Maria Viani, Benedetto Gennari, neveu de Guercino, rentré à Bologne après un long séjour en Angleterre, Giovanni Gioseffo dal Sole, dernier interprète des finesses de Guido Reni, et Carlo Cignani, prince à vie de l’Accademia Clementina, représentant d’un classicisme teinté de souvenirs corrégiens.
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, l’opposition entre les deux champions de la peinture, Donato Creti et Giuseppe Maria Crespi, est radicale et irréductible. Les recherches du premier aboutissent à un classicisme élégant et raffiné, lumineux et incorruptible, alors que le second affiche au contraire un naturalisme agressif et prosaïque aux accents ironiques, d’un caractère presque populaire. Dans le même temps, la culture littéraire de l’Arcadia inspire, avec Marcantonio Franceschini, peintre européen cher aux princes de Liechtenstein, un purisme qui évolue vers un barocchetto atténué, habile et léger, apprécié des milieux aristocratiques et de l’autorité religieuse. Si les solennels tableaux d’autels répondent aux exigences du décorum et de la commande officielle, les grandes peintures destinées aux palais visent à célébrer, avec des allégories et l’évocation des gloires antiques, les familles sénatoriales, soutiens de l’autorité pontificale dans le gouvernement de la ville.
La ville pullule de petites comme de grandes collections. Ce sont non seulement les palais de l’aristocratie, mais aussi les habitations de la bourgeoisie ou des artisans qui se couvrent de peintures, disposées sous les fresques où se déploie la virtuosité perspective des peintres de quadratura.
Trompe-l’œil, dilatations spatiales et illusions théâtrales allant jusqu’à l’invraisemblable rendent les scénographes bolonais célèbres dans les théâtres européens, grâce aux succès de la famille Bibiena, dans le sillage des expériences passées d’Angelo Michele Colonna et d’Agostino Mitelli, appelés, au-delà des cours italiennes, jusqu’en Espagne et en France. Autour de l’Accademia Filarmonica, fréquentée entre autres par des personnalités telles que le chanteur Carlo Broschi, dit Farinelli, le compositeur Johan Christian Bach, le musicologue Charles Burney – à laquelle se sont joints des chanteurs, des compositeurs et des instrumentistes, sous l’œil attentif du célèbre père Giambattista Martini, qui fut le maître du Mozart lorsque celui-ci avait quatorze ans – se développe une intense activité mêlant architecture, peinture, musique et poésie, tandis qu’est inauguré en 1763 le Teatro Comunale avec le Triomphe de Clelia de Christoph Willibald Gluck, sur des textes de Métastase.
Une peinture légère opère la mutation de la solide tradition du XVIIe siècle vers le rocaille. Ses interprètes sont Francesco Monti, Giuseppe Marchesi dit Sanson, Vittorio Maria Bigari, Giuseppe Varotti et Nicola Bertuzzi, rejoints, en parfaite harmonie, par les sculpteurs et modeleurs Giovan Battista Bolognini, Francesco Jannsens, Angelo Piò et son fils Domenico, qui, à partir de l’exemple de Giuseppe Maria Mazza, donnent aux figures de stuc et de terre cuite un élégant mouvement tout en courbes et une grâce pleine de séduction.
Le succès de l’Accademia Clementina, dû au zèle de son secrétaire Gianpietro Zanotti, amène le remplacement progressif de la formation traditionnelle au sein des ateliers par des enseignements codifiés, l’institution officielle de prix dans les différentes branches artistiques et l’ouverture de l’Accademia del nudo. Dans ce contexte vont émerger les deux principales personnalités de la seconde moitié du siècle, les frères Ubaldo et Gaetano Gandolfi, chez qui la tradition s’est régénérée au contact fructueux de la culture picturale vénitienne, freinant l’avancée du néoclassicisme.
En 1796, à l’arrivée des troupes napoléoniennes, Gaetano Gandolfi pourra assister à l’effondrement de l’Ancien Régime, et aux bouleversements socio-politiques qui vont en découler : le renversement du pouvoir pontifical, la suppression des ordres religieux et des confréries laïques avec la confiscation de leurs biens. En remplacement de l’Accademia Clementina, la création de l’Accademia di Belle Arti, accompagnée de la naissance de la moderne Pinacoteca, inaugure cette nouvelle ère.