Hasta Siempre

20 février 2015 – 31 août 2015

[L’exposition prolongée jusqu’au 31 août 2015 au Palais Fesch, comporte quatre sections principales, dont une exposée à l’Espace Diamant, auxquelles il faut ajouter les arts graphiques (affiches et caricatures).]

 La peinture française

Le Museo Nacional de Bellas Artes, outre ses collections d’art cubain, possède des œuvres de toutes les écoles européennes, notamment de l’école française. Ces tableaux proviennent surtout de collectionneurs privés. Ils témoignent du goût des riches Cubains de l’époque coloniale pour la peinture de la France du XIXe siècle, en particulier les paysages. Mais d’autres genres seront représentés, offrant un échantillon fidèle de l’art français de cette époque. Ainsi, on pourra voir des œuvres des grands noms de l’École de Barbizon, Corot et Diaz, des représentants de l’art officiel comme Meissonnier ou Bouguereau, et enfin deux tableaux des plus grands protagonistes du romantisme et du réalisme : Delacroix et Courbet.

La peinture cubaine, de l’époque coloniale aux avant-gardes

La peinture cubaine est marquée à l’origine par le goût européen. À l’époque coloniale, la tendance dominante est celle de la peinture de paysages. Les pionniers du genre, comme Landaluze, Chartrand, Laplante, sont souvent d’origine française. Ils représentent les villes et sites naturels de l’île, avec sa végétation tropicale caractéristique, mais aussi les activités agricoles autour de la culture et de la transformation de la canne à sucre, ainsi que des scènes de genre illustrant la vie quotidienne de la colonie espagnole. On trouvera encore en 1940, avec Ramos, un exemple tardif de représentation du paysage cubain typique, luxuriant et lumineux.

Une nouvelle saison artistique s’ouvre avec les années 1920 et le contact des artistes avec la scène européenne, parisienne surtout. En effet, plusieurs artistes de cette nouvelle génération, tels Pogolotti ou Pelàez, séjournent plus ou moins longtemps à Paris, alors foyer artistique le plus attractif du monde occidentale et théâtre de toutes les avant-gardes. Wifredo Lam, sans conteste l’artiste cubain le mieux connu en France, a côtoyé Picasso et Breton.

Cependant, influencés aussi par l’art mexicain, qui développe à cette époque une esthétique originale, les peintres cubains se construisent leur propre identité latino-américaine : leur art reste ancré sur la réalité sociale et paysanne, comme sur la créolité et l’héritage africain. Après la Révolution de 1959, c’est la culture populaire qui entrera en force dans le domaine pictural, avec Raúl Martínez par exemple.

L’art contemporain

L’art contemporain est devenu mondial, et l’art cubain utilise aujourd’hui des matériaux et des langages aussi variés que ceux de l’art occidental : photographie, vidéo, installation, performance. Mais l’extrême dynamisme et foisonnement de l’art cubain vient peut-être de la valeur particulière acquise par l’art dans l’île, d’une urgence à créer, d’un désir particulier d’ouverture et d’expression à travers le médium artistique. Le gouvernement socialiste cubain, contrairement au régime soviétique, n’a jamais rejeté la liberté formelle de l’art moderne. Au contraire, l’expression individuelle et démocratique y est, de plus en plus, encouragée.

Les artistes cubains, malgré la diversité des personnalités, ont en commun la force de leur attachement à l’identité nationale, afro-cubaine notamment (Ayón, Mendive, Díaz) et aussi l’intérêt qu’ils portent aux questions sociales, économiques ou politiques (León, Barreto, Barroso). L’état de pénurie des années 1990, du à l’embargo américain comme à la disparition du soutien soviétique, et qui a vu tant de Cubains s’exiler, se traduit parfois par l’utilisation de matériaux pauvres, récupérés (Diago Durruthy). Mais les préoccupations des artistes se font souvent aussi plus universelles : l’intimité féminine (Poblet, León), l’homosexualité (Segura, Saavedra), la mémoire (Fors), le devenir objet de l’homme (López Pardo).

La photographie

Espace Diamant

L’histoire de la photographie à Cuba remonte aux tout débuts de l’apparition du nouveau médium. Cette section propose un large panorama de photographies, de 1920 environ aux dernières années. L’intérêt documentaire pour la réalité du pays y est manifeste. Mais on est frappé tout autant par la grande qualité plastique, la luminosité du noir et blanc, la recherche formelle de ces photographies de la première partie du XXe siècle. Tous les sujets y sont représentés, scènes de rue, paysages marins, ruraux, coins de ville pittoresques. Ils documentent, tout en la magnifiant, la beauté de l’île. Les habitants y sont très présents, vus dans leur vérité sociale, quotidienne, loin des clichés touristiques exotiques, pourtant très présents aussi à cette époque où La Havane constituait pour les riches Américains une villégiature de fête et de plaisirs.

Les photographies les plus récentes, entre gros plans presque abstraits et retours sur l’histoire, se situent toujours dans cette ligne humaniste.

La photographie révolutionnaire

Palais Fesch-musée des Beaux-Arts

Les photographies présentées ici sont parmi les plus connues des images de Cuba. Elles sont surtout le fait de deux photographes, Corrales et Korda, qui ont accompagné Fidel Castro et Che Guevara dès les premiers temps de la Révolution de 1959. Une propagande efficace, certes, organisée par le lider lui-même, mais surtout l’expression d’une fièvre et d’un enthousiasme ressentis en premier lieu par les photographes eux-mêmes, devenus de ce fait les acteurs autant que les témoins de cette Révolution en marche. Il s’agissait en tout premier lieu de convaincre le peuple cubain de la réalité de ces bouleversements inespérés, de montrer, après les années de la dictature de Batista, que l’impossible  était devenu possible. Ces images étaient donc largement diffusées par des journaux comme Révolución .

On pourra admirer bien sûr l’icône mondiale qu’est devenue le portrait du Che par Korda, dite Guerillero héroïque , mais aussi l’homme de la rue dans sa participation aux évènements.

En contrepoint critique, quelques photographies contemporaines apporteront une perspective plus iconoclaste à la Légende.

Mabel Poblet, Triplés de la série Desaparencia (desapparences). 2013.  technique mixte.
Alberto Korda, Guerrillero héroïque . 1960.Gélatine argentique.
Dominguo Ramos, Les rives de l ‘Almendares. 1940 Huile sur toile